Cyproheptadine pour grossir : Entre désillusion et risque sanitaire

cyproheptadine

La cyproheptadine, commercialisée notamment sous le nom de Periactine, est un antihistaminique de première génération mis sur le marché en 1974. Initialement indiquée dans le traitement symptomatique des manifestations allergiques telles que la rhinite, la conjonctivite ou l’urticaire, cette molécule fait l’objet d’un mésusage croissant qui préoccupe les autorités sanitaires.

Jusqu’à récemment disponible sans ordonnance, la cyproheptadine a vu son statut évoluer en juillet 2024, avec l’instauration d’une prescription médicale obligatoire par l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament). Cette décision fait suite à l’observation d’un détournement massif de ce médicament à des fins esthétiques.

Un Antihistaminique Détourné de son Usage Médical

La spécificité de la cyproheptadine vient du fait qu’elle bloque certains récepteurs dans le corps, notamment ceux qui réagissent à l’histamine ( 5-HT2A)  et à la sérotonine (5-HT2C), ce qui lui confère des effets antiallergiques et orexigènes (susceptible d’augmenter l’appétit).

Ce mécanisme explique pourquoi ce médicament stimule l’appétit : le récepteur 5-HT2C dans l’hypothalamus exerce normalement un rétrocontrôle négatif sur le récepteur de la ghréline (GHSR1), hormone stimulant l’appétit. L’antagonisme de ce récepteur par la cyproheptadine lève ce frein naturel, induisant une régulation positive sur la voie de signalisation orexigène médiée par la ghréline, ce qui stimule la prise alimentaire et favorise la prise de poids.

 

 

Un Mésusage Amplifié par les Réseaux Sociaux

Si l’usage orexigène de la cyproheptadine avait été autorisé dès sa commercialisation en France dans les années 70, cette indication a été retirée en 1994. Malgré cela, l’utilisation hors indication s’est poursuivie et a connu un regain ces dernières années, d’abord dans certains pays africains avant de s’étendre en France.

Une étude observationnelle menée à Kinshasa (République Démocratique du Congo) révèle un taux alarmant de mésusage de la cyproheptadine comme orexigène, dépassant 70%. Les utilisateurs sont majoritairement de jeunes femmes qui consomment ce médicament sur de longues périodes, souvent supérieures à un an.

RESEAUX SOCIAUX

Ce phénomène est aujourd’hui largement amplifié par les réseaux sociaux, où des vidéos de transformations physiques “impressionnantes” vantent les mérites de la cyproheptadine pour prendre du poids rapidement. Ces contenus, visionnés des dizaines voire des centaines de milliers de fois, présentent rarement les risques associés à cette utilisation détournée, créant un sentiment trompeur de sécurité chez les consommateurs. Plus préoccupant encore, certains comptes proposent la revente directe de cyproheptadine en comprimés ou en sirop dans un but purement esthétique.

Un Profil de Risque Préoccupant

La Société Française de Pharmacologie et de Thérapeutique (SFPT) a tiré la sonnette d’alarme face à ce mésusage. En effet, la cyproheptadine, de par son mécanisme d’action non sélectif sur les récepteurs H1 de l’histamine, expose à de nombreux effets indésirables potentiellement graves :

  • Effets neurologiques : somnolence, baisse de la vigilance, vertiges, hallucinations
  • Troubles psychiatriques : anxiété
  • Effets anticholinergiques : mydriase, rétention urinaire, constipation
  • Complications cardiaques : troubles du rythme, palpitations
  • Atteintes hépatiques : notamment des cas de cholestase
  • Effets hématologiques : anémie et agranulocytose ont été rapportés

L’utilisation détournée de ce médicament, souvent à des doses supérieures aux recommandations et sur des périodes prolongées, augmente considérablement ces risques, d’autant plus que les utilisateurs ne sont généralement pas informés des effets indésirables potentiels.

Position des Autorités Sanitaires

Face à l’ampleur du phénomène, la SFPT considère que le rapport bénéfices/risques de la cyproheptadine devrait être réévalué en vue d’un possible retrait de son autorisation de mise sur le marché, ou au minimum de son inscription sur une liste à prescription obligatoire, ce qui a été effectivement mis en place en juillet 2024.

L’ANSM a également émis des recommandations à l’attention des pharmaciens, les invitant à rappeler aux patients les risques liés à l’utilisation de ce médicament et son indication approuvée, seul cadre dans lequel le rapport bénéfice/risque a été évalué favorablement.

 

En conclusion, le mésusage de la cyproheptadine illustre parfaitement l’influence que peuvent avoir les réseaux sociaux sur les comportements de santé, particulièrement chez les jeunes. Ce phénomène souligne l’importance d’une régulation adaptée des médicaments présentant un potentiel de détournement, ainsi que la nécessité d’une information claire et objective auprès du public sur les risques associés à ces pratiques.

La prescription médicale obligatoire désormais en vigueur constitue une première barrière contre ce mésusage, mais la vigilance reste de mise face à la circulation possible de produits falsifiés sur internet, présentés comme contenant de la cyproheptadine et échappant à tout contrôle sanitaire.

Découvrez d'autres articles

Newsletter

Abonnez-vous pour des conseils, des astuces et des offres spéciales directement dans votre boîte mail !

[sibwp_form id=2]
Panier0
Il n'y a pas d'articles dans le panier !
Continuer les achats
0

Bienvenue !

Recevez une réduction de 10 % sur votre première commande et commencez l'ascension vers Votre bien-être !